Introduction: thethingsinbetween in French

Eve Egoyan - thethingsinbetween

Eve Egoyan, le silence et la musique
Serge Bennathan, choréographe

Je dois l’avouer, il ya quelques années, mes connaissances sur la musique contemporaine et ses interprètes étaient limitees. C’est le hasard qui ´par intermédiare de quelques amis, m’a fait asseoir avec mon ignorance, un soir, dans une salle de concert. Une femme est entrée sur scène, je me souviens bien d’elle parce que ma première impression avait été qu’elle semblait déjà se trouver dans la musique qu’elle allait jouer. Elle s’est assise au piano, qui pendant quelques secondes, m’a semblé ´énorme, en face d’elle, et de ce corps où l’on pouvait lire une intensité farouche, une main s’est détachée pour aller se poser sur le clavier. Les quelques secondes que l’envol de cette main a duré m’ont fait comprendre. La grâce du silence dans la musique équivaut pour moi maintenant à la grâce de l’immobilité dans le mouvement. Elle m’a offert en trois secondes d’une brise légère l’espace que je cherche sans relâche avec mes danseurs. Ce moment où tout mot, toute musique, tout mouvement, toute couleur dans le rien du silence ou de l’espace trouve sa place dans l’imaginaire de celui qui lit, écoute, regarde. De ce silence, de son silence, la musique est née, suivant les pièces, tour à tour intérieure, comme donnée goutte à goutte a une assemblée d’assoiffés ou alors au contraire comme une espèce de torrent qu’elle vous engouffre dans l’esprit sans vous demander votre avis. Parce que c’est ça aussi, Eve Egoyan, la force de la sensibilité, la force du talent. Elle s’avance vers vous les yeux fermés, les mains en avant, portant le nom et les notes de ses compositeurs au bout des doigts, comme des étendards. Parce qu’il n’ya pas de doute, l’écouter jouer c’est déjà accepter de marcher sur la voie qu’elle nous trace, où, à travers chaque note, elle nous offre de nous défaire de nos peurs, de nos préjugés. Elle lit, questionee, donne des réponses, articule le patient travail de ses créateurs, pour nous faire croire à la fin d’un concert que l’on a été curieux toute sa vie. Et n’est-ce pas l’un des plus beaux rôles de l’interprète que de nous enseigner à notre insu l’apprentissage de la curiosité?